Samuel Jubé
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Tenir l'économie en balance
L’économie est d’abord affaire de mesure, qu’il s’agisse de l’exploitation d’un lopin de terre ou du commerce mondial, mais cette évidence nous échappe en réalité. Nous perdons vite le sens de la mesure quand nous nous en remettons à une pluralité de mesures fragmentées, chacune mobilisant la puissance du calcul pour relier objectivement le micro et le macro, mais privant les instances politiques d’une mesure d’ensemble lui permettant de tenir l’économie en balance et d’instituer la confiance. Or c’est bien là l’enjeu fondamental, derrière les questions de développement durable, de lutte contre les inégalités sociales ou encore de stabilité des marchés financiers : comment tenir l’économie en balance et renouveler ainsi la confiance ? Cet impératif précède et dépasse la construction statistique d’indicateurs économiques synthétiques. Tenir l’économie en balance suppose d’abord l’institution et l’articulation de la monnaie et de la comptabilité : deux leviers dont les États se sont largement dessaisis au profit d’acteurs privés et dont l’articulation est aujourd’hui mise à mal par le traitement normatif cloisonné qui en est fait aux niveaux national, international et transnational (normes du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire ; normes comptables IAS-IFRS, etc.).
Ce n’est pas seulement un problème d’interopérabilité technique de systèmes d’informations. Il s’agit d’abord et surtout d’étudier les conditions auxquelles chacun de ces systèmes (monétaire/bancaire et comptable) doit répondre pour assurer ensemble la stabilité institutionnelle et la pertinence politique du montage monétaire.
Pour y répondre, nous adopterons une approche historique et comparative, en étudiant les conditions institutionnelles de cette mise en balance de l’économie dans l’essor et l’effondrement des grands « systèmes de crédit » au cours de l’histoire économique (Moyen-Orient, Europe, Chine, Inde). Nous nous attacherons parallèlement à étudier les spécificités du système actuel, où la mise en balance de l’économie globalisée repose sur des mesures fragmentées et coupées des réalités sociales et politiques. Nous viserons enfin à éclairer les conditions d’une ré-articulation de la monnaie et de la comptabilité – entre elles et avec les cadres politico-juridiques – pour refonder la confiance et faire face aux enjeux sociétaux qui se dressent devant nous.
biographie
Samuel Jubé est docteur en droit privé (Nantes, 2008). Il a enseigné à l’Université de Nantes et à l’Université Rennes 1, avant d’occuper la fonction de Secrétaire général de la Fondation Institut d’études avancées de Nantes. En 2012, le conseil d’administration de la Fondation le nomme Directeur pour un mandat de cinq ans (2013-2018). Depuis le 1er août 2018, il est membre permanent (Permanent Fellow) de l’Institut d’études avancées de Nantes. Ses travaux de recherche au carrefour du droit, de l’histoire, de l’économie et des sciences de gestion, portent sur les conditions institutionnelles de la confiance dans le champ économique. Il s’est d’abord intéressé aux croisements normatifs entre le droit du travail et la technique comptable, pour proposer une vision novatrice de la normalisation comptable nationale et internationale (voir notamment Droit social et normalisation comptable, 2011, LGDJ). Ses analyses sur l’interdépendance institutionnelle du commensurable et de l’incommensurable invitent à reconsidérer plus largement les liens entre, d’une part le droit social et le droit de l’environnement, et d’autre part la comptabilité et la monnaie. Il s’agit là d’éclairer à la fois le fondement institutionnel des « systèmes de crédit » et les transformations de l’ordre juridique mondial que provoque l’émergence d’une normalisation technique transnationale.