Érika Wicky
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Un tableau n'est pas fait pour être flairé. Histoire olfactive de la peinture, XVIIIe - XXe siècle
« Un tableau n’est pas fait pour être flairé ; reculez-vous : l’odeur de la peinture n’est pas saine ! » Attribuée à Rembrandt, cette réplique destinée à tenir les spectateurs éloignés des secrets de fabrication des œuvres a connu une grande fortune critique dès la fin du XVIIIe siècle, contribuant à faire de l’odeur de la peinture un topos des récits d’atelier. Ayant d’abord servi à évaluer la qualité des matériaux, l’odeur de la peinture, à mesure qu’elle faisait l’objet de mises en gardes médicales, a brisé des vocations d’artistes, enivré ou indisposé des modèles, réglé la distance du spectateur ainsi que la taille et l’organisation des ateliers. Elle a aussi offert aux critiques d’art des métaphores choisies pour dire leur dégoût des sujets et de la facture réalistes. Au début du XXe siècle, elle témoigne toujours de la matérialité de la création picturale, notamment pour Duchamp, qui fustige les peintres « intoxiqués à la térébenthine ». En un mot, de la création à la réception des œuvres, l’odeur de la peinture est une actrice invisible de l’histoire de l’art. S’appuyant sur un large éventail de sources et croisant l’histoire de l’art avec l’histoire culturelle et médicale, ce projet de recherche vise à en retrouver la trace pour mettre au jour des enjeux négligés parce qu’ils échappaient au domaine du visuel et donc du photographiable. Plus généralement, cette recherche contribuera à comprendre l’évolution historique des perceptions sensorielles dans notre rapport aux arts et au monde.
biographie
Docteure en histoire de l’art (Université de Montréal, 2011), Érika Wicky est titulaire d’une maîtrise de lettres modernes et d’une maîtrise en études théâtrales (Bordeaux 3). À l’issue d’une thèse pluridisciplinaire portant sur la notion de détail (1830-1890), elle a consacré ses trois premières années de recherches post-doctorales (UQAM) à l’étude de la réception critique des reproductions photographiques de tableaux au XIXe siècle. Elle a ensuite étudié, lors d’un second postdoctorat (Rennes 2, 2015), les écrits du XIXe siècle sur le paysage photographique. Dans le cadre d’un mandat de chargée de recherches (FNRS) supervisé par Marc-Emmanuel Mélon, elle se consacre à présent aux écrits belges sur la photographie (1839-1905). Elle a enseigné l’histoire de l’art, l’historiographie et l’histoire de la critique d’art à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal de 2009 à 2015.