Alihan Gök
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Réapproprier la coopération sociale : possibilités et défis dans l’ère des plateformes numériques
Ce projet questionne le rapport entre le travail et le numérique afin de comprendre les effets de ce dernier concernant les attentes démocratiques dans le monde du travail. Partant d’une perspective réunissant l’intérêt au monde de travail et sociopolitique, une étude sera menée sur le travail dans l’ère numérique ainsi que sur des potentialités de démarchandisation et de démocratisation du travail.
Les travailleurs de plateformes numériques sous l’emprise du marché
Surtout depuis la pandémie le travail étant en transformation rapide, il est tout à fait banal de détecter sur le marché de travail des négativités concentrées qui occultent les potentialités émancipatrices. Quand la vitesse de l’échange augmente entre le travail parcellisé et le micro-capital, de nouveaux risques sociaux émergent et la pression engendrée par cette vitesse est plus ressentie sur les épaules d’une nouvelle génération de travailleurs. Parallèlement à la prolifération de nouvelles modalités d’encadrement du travail, les travailleurs sont soumis à de nouveaux risques provenant du marché de travail sans pour autant bénéficier de l’autonomie promise. A l’instar des travailleurs de plateformes dont la situation demeure précaire, ces travaux sont considérés comme une activité éphémère donc “supportable” même si elle se trouve à l’origine de leur souffrance. Il y a un décalage entre les anticipations et la réalité des salariés qui redéfinit le lien que cette nouvelle classe de travailleurs établie avec le travail, et ceci invite à reconsidérer le sens ainsi que la valeur du travail surtout dans sa relation avec l’émancipation.
Une compréhension normative de la coopération sociale
Cependant ces dangers inclus par la révolution numérique du travail y compris la marchandisation de celui-ci sont contrecarrés par des initiatives permettant parfois de concevoir le travail comme une activité ayant ses propres opportunités de résistance et d’émancipation. Sauf que l’exploration nécessite de les examiner de plus près et même d’entrer en contact avec elles. Dans cette perspective, partant d’une analyse de terrain focalisant sur le travail mobilisé par des plateformes numériques en Turquie et en France, ce projet sera consacré à une étude pratique pour l’exploration des possibilités de la reconstruction d’une compréhension normative de la coopération sociale formulée sous forme de « la lutte pour réapproprier la coopération sociale ». Contrairement à son interprétation utilitariste qui la réduit à la maximisation de la productivité et met au service du marché, une compréhension normative de la coopération sociale nous semble aujourd’hui nécessaire. Garder le contrôle sur le processus de travail sans que celui-ci ne devienne une force étrangère aux travailleurs paraît utopique car l’appropriation de la coopération de ces travailleurs semble totalement achevée en faveur du capital. Néanmoins, elle reste en réalité toujours un champ de lutte à explorer sur lequel les forces sociales du travail ont des choses à dire.
La lutte pour la reconnaissance des livreurs à deux roues
Depuis 2022, nous assistons à une résistance des travailleurs de livraisons qui s’organisent sous diverses formes. L’un des objectifs de ce projet sera donc comprendre les attentes normatives de ces travailleurs et d’explorer le potentiel d’engagement politique qui émergent de leur vécu de la souffrance et de leurs expériences de l’injustice. Dans ce cadre une enquête de terrain se focalisant sur le travail des livreurs à deux roues (coursiers à moto ou en vélo) est prévue. En entrant dans cet univers, y compris par une expérience personnelle du métier de livreur en tant qu’employé passager, j’espère mener une interrogation pour envisager les défis devant les relations de reconnaissance nécessaires pour la formation de l’identité individuelle que collective mais aussi la possibilité de reconsidérer les attentes normatives des travailleurs qui refusent de devenir de simples extensions organiques des plateformes, les rendant parfois victimes des systèmes de réputations et qui demandent la reconnaissance de leurs activités significatives.
biographie
Alihan Gök est diplômé du Lycée de Galatasaray en 2001 et chercheur depuis 2011 à l’Université de Marmara (à Istanbul) où il a obtenu en 2018 son doctorat du programme Politique et Sciences Sociales lié à l’Institut des Sciences Sociales. Il poursuit sa carrière académique au sein du Département Francophone de Science Politique et Administration Publique en tant qu’enseignant en philosophie politique. Ses études se concentrent sur les théories de la justice avec un regard historique et interdisciplinaire concernant certaines problématiques comme l’aliénation ou la pauvreté qui se trouve à l’intersection de la philosophie politique, la philosophie sociale et la pensée économique. Curieux de l’impact des transformations socio-économiques sur la reconnaissance et la justice sociale, son objet de recherche actuel est l’étude de la condition du travail numérique en Turquie. Participant régulier comme interlocuteur ou assistant à l’organisation de séminaires au sein de TUFRAM (Centre d’études et de recherches sur les relations franco-turques) attaché à l’Université de Marmara, il est aussi membre d’Eğitim-Sen (Education and Science Workers’ Union (Turkey) et l’un des Universitaires pour la Paix.