Les rapports entre Descartes et les Pays-Bas peuvent être considérés comme un transfert culturel. Mon projet de recherche vise à étudier un procès complexe, caractérisé par une forte polarisation: la rencontre/opposition entre deux traditions culturelles et religieuses, et le passage d’un paradigme philosophique péripatéticien à un milieu où différentes philosophies modernes cohabitent, notamment le cartésianisme. Ma recherche vise deux principaux objectifs :
1) étudier comment s’articulent, dans la réflexion théorique, mais aussi dans la pratique, la philosophie et la théologie,
2) examiner les débats sur l’interprétation des Écritures soulevés par la diffusion du cartésianisme. Le projet de recherche vise d’abord à reprendre à nouveaux frais les rapports entre la raison et la philosophie, d’une part, et la foi religieuse et la théologie de l’autre.
La lecture des textes théologiques et philosophiques des cartésiens néerlandais permet d’avancer l’hypothèse qu’il faudrait préciser la distinction entre les voetiens anticartésiens et les cocceiens cartésianisants telle que l’a élaborée la critique : il ne s’agit pas de passer d’une union entre la philosophie et la théologie à une séparation entre les deux disciplines, mais d’abandonner un rapport hiérarchique en faveur d’un rapport paritaire. Si ces hypothèses seront confirmées, on pourra mettre sous un nouveau jour la diffusion de la pensée de Descartes, mais aussi situer les dynamiques culturelles néerlandaises dans le panorama européen de l’époque. L’approche est donc multidisciplinaire et demande des compétences à la fois historiques, philosophiques et théologiques. Un deuxième résultat sera d’étendre nos connaissances des débats sur l’exégèse de la Bible déclenchés par la diffusion de la philosophie cartésienne dans les milieu Réformés, les insérant dans le développement de l’interprétation Réformée de la Bible. Il faut d’abord déterminer la position des cartésio-coccejens par rapport à l’orthodoxie Réformée, mais aussi aux Rémostrants et aux Sociniens. Il convient, enfin, de reprendre à nouveaux frais la question des rapports entre l’interprétation de la Bible des cartésiens néerlandais et d’autres issues possibles du cartésianisme et/ou du rationalisme théologique, tels qu’elles sont représentées par L. Meyer, Spinoza ou J. Leclerc. Une analyse systématique de ces débats permettrait d’illustrer de manière innovante les stratégies collaboratives mises en oeuvre par les cartésiens néerlandais aussi bien que leurs différentes positions et d’approfondir notre connaissance de l’herméneutique Réformée de la Bible à travers un chapitre inédit.