Largement ignorée, non seulement par le grand public, mais par l’histoire de la psychanalyse et l’histoire des idées plus généralement, du moins en dehors de l’Inde, la figure de Girindrasekhar Bose, « premier psychanalyste non-occidental » (selon la formule d’Ashis Nandy) mérite d’être redécouverte. L’enjeu d’une telle redécouverte n’étant pas uniquement celui de concevoir une cartographie plus exhaustive de la diffusion de la psychanalyse dans le monde, mais de montrer comment le freudisme a pu contribuer au processus de décolonisation indienne, entre les années 1920 et les années 1950, avant de s’effacer du paysage intellectuel indien pour ne resurgir, de façon fragmentée, qu’à une époque récente. À travers la biographie de Bose (médecin, hypno-thérapeute, psychanalyste autodidacte reconnu par Freud et ayant entretenu une correspondance avec ce dernier, fondateur en 1922 de l’Indian Psychoanalytical Society à Calcutta, savant, publiciste et organisateur infatigable des premières institutions analytiques du sous-continent) il s’agira, dès lors, de reconsidérer le rôle joué, dans l’émancipation indienne, par des questions anthropologico-politiques fondamentales – critique du virilisme guerrier, réévaluation du féminin, reconfiguration des rapports de genre – qui traversent aussi bien la psychanalyse indienne naissante, l’œuvre romanesque de Rabindranath Tagore et le gandhisme.