Ambra Zambenardi
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Sel-thon-corail : la triade maritime méditerranéenne. Une anthropologie à travers la Méditerranée
L’anthropologie de la Méditerranée, depuis ce qui est considéré comme sa fondation en tant que champ disciplinaire (la conférence de Burg Wartenstein du 1959), a produit une réflexion introspective remarquable, questionnant son propre statut dans le panorama plus large des sciences sociales, s’interrogeant sans cesse sur les valeurs et les pratiques qui caractérisent les sociétés de cette région.
Paradoxalement, la mer a été la véritable grande absente des recherches et des débats de l’anthropologie méditerranéenne au cours des soixante dernières années. Parmi les acteurs qui ont mis en contact ses rivages, on ne compte que sporadiquement les pêcheurs : cependant le cas de la “civilisation du thon”, avec sa longue histoire trans-méditerranéenne bien documentée, a attiré et provoqué une extraordinaire mobilité et circulation des pêcheurs, des travailleurs spécialisés, des techniques, des gestes, des connaissances, des patrimoines et d’un vocabulaire diffusé à l’échelle du bassin méditerranéen. En définitive, une réhabilitation de la mer et de ses métiers au sein de l’anthropologie de la Méditerranée est souhaitable, et ce projet recherche vise à aller dans ce sens.
Il s'agit de faire ressortir du système des madragues à thons, en tant que culture de la mer, certains traits des peuples méditerranéens, qui ont traversé et uni des espaces et des temps même éloignés, et étendre cette tentative à deux autres pratiques maritimes/côtières méditerranéennes : la saliculture et la pêche au corail. En se gardant de toute évidence déterministe, « est-il possible d’imaginer une réflexion similaire pour l’exploitation du sel et la pêche du corail rouge endémique – des activités souvent historiquement liées à la pêche au thon? »
Le projet propose de juxtaposer la célèbre triade terrestre de la Méditerranée de Fernand Braudel (1977), BLÉ – VIGNE – OLIVIER, à une triade maritime SEL – THON – CORAIL, trois produits qui, de manière non exclusive mais prépondérante, ont marqué l’histoire économique et sociale de la mer Méditerranée. L'objectof est explorer la possibilité que ce trait (la présence répandue et souvent superposée de madrague, de salines et d’activités coralliennes tout au long de ses côtes), commun à tant de peuples méditerranéens, soit un élément distinctif d’une certaine « méditerranéité ».
Le projet entend tester la possibilité d’émettre des hypothèses sur la validité théorique et pratique d’une triade maritime, en essayant de répondre aux questions suivantes : est-il possible que des contingences écologiques aient généré des systèmes culturels partagés ? Ces activités (thon, corail et sel) répandues dans la longue durée, peuvent-t-elles se superposer dans le temps et dans l’espace (comme, par exemple, dans les colonies de Liguriens tabarkini sur les îles de Tabarka, Carloforte et Nueva Tabarka à partir du XVIe siècle) ? Qu’est-ce qui peut émerger d’une superposition cartographique numérique de la dislocation de ces activités ? Les connaissances, les pratiques, les outils et les modes de pensée qui sous-tendent ces systèmes économiques et sociaux présentent-ils des points communs susceptibles d’être comparés ? Est-il également envisageable de considérer ces trois activités et leur employés (« salinieri », « tonnarotti » et « corallari ») comme porteurs d’une véritable culture de la mer (une mariculture), expression de certaines savoirs (LEK – Local Ecological Knowledge) et valeurs écologiques ? Peuvent-elles, et éventuellement comment, être considérées comme des valeurs méditerranéennes ? Enfin, cette triade maritime peut-elle même aspirer à une instance politique – qu’elle propose d’appeler le mediterranesimo, humanisme méditerranéen (Zambernardi, 2020)?
biographie
Titualiare d'un Doctorat en Sciences Anthropologiques, en co-tutelle internationale aux Universités de Turin et de Séville, Ambra Zalmbernadi est chargée de cours en Anthropologie du Genre et de la Parenté à l’Université de Turin. De 2021 à 2023, elle a été titulaire de cours d’Anthropologie à l’Université du Piémont Oriental. Pendant sa formation académique, elle a été stagiaire MAE / CRUI (Ministero degli Affari Esteri / Conferenza dei Rettori delle Università Italiane) à l’ambassade d’Italie à Amman, visiting student à l’Université Internationale de Haïfa et stagiaire Erasmus+ à la MMSH – Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme d’Aix-Marseille Université.
Après des recherches de terrain au Moyen-Orient autour des migrations forcées post-conflit (Jordanie, Irak, Palestine, Israël, Syrie) et en Méditerranée sur des systèmes et communautés de pêche (Italie, France, Espagne), elle obtient une bourse de recherche par la Fondazione di Sardegna (2021-22), une bourse de mobilité post-doc ATLAS – Fondation Maison des Sciences de l’Homme / Fondazione Luigi Einaudi (2024) en tant que chercheuse invitée au Laboratoire TELEMMe d’Aix-Marseille Université.
Depuis 2014, ses recherches scientifiques et artistiques sont consacrées aux madragues pour la pêche au thon rouge en Méditerranée et Atlantique. Elle a travaillé pendant une décennie entre la photographie, le cinéma, la vidéographie en tant que chercheuse, réalisatrice et assistante de production, caméraman, monteuse, preneuse de son et curatrice d’expositions pour plusieurs sociétés de production, fondations, associations et avec des auteurs indépendants en Italie, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Koweït. Parmi ses plus importantes collaborations: Magnum Photos, Fondazione Spinola-Banna per l’Arte, Olympic Broadcasting Services, World Expo. Ella a réalisé des documentaires, des courts métrages, des clips vidéo, participant à plusieurs festivals en Italie et a présenté ses photographies dans des expositions individuelles et collectives auprès de musées (MUCEM, Cittadella di Cagliari, MACC, MuT, CineTeatro Cavallera, Carloforte Tonnare).