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discipline
a médecine est un vaste champ de recherche dont l’un des intérêts tient à la position frontalière de la discipline, à cette nature intermédiaire entre sciences naturelles et sciences humaines, entre théorie (la connaissance scientifique) et pratique (l’exercice de la technique médicale et la dialectique des enjeux sociaux où elle se trouve impliquée). D’autre part, la médecine occidentale, si l’on se penche sur ses origines, s’avère le fruit d’une réflexion générale sur l’homme et sur le monde, et la pensée médicale – comme l’a écrit Jackie Pigeaud – peut être conçue comme « pensée d’une découverte de l’humain » du fait qu’elle participe à la découverte de l’homme qui se révèle aux yeux d’un certain spécialiste de l’humain. Celui-ci devrait alors dialoguer avec cet autre spécialiste de l’humain qu’est le philosophe.
Au cours des dernières décennies, des ouvrages importants ont attiré l’attention des historiens et des philosophes sur la tradition de la médecine anthropologique, et en particulier sur le rôle joué par la « science de l’homme » dans les travaux des médecins de Montpellier dans la deuxième moitié du xviiie siècle, qui avait été longtemps sous-estimée.
À ce propos, il faut d’abord préciser que, déjà vers la moitié du xviie siècle, les philosophes s’interrogeaient sur l’homme et y trouvaient matière à penser : en effet, Descartes (1648) et Hobbes (1658) ont écrit un traité De homine. Il existe également un discours sur l’homme produit par la médecine savante de la première modernité, marqué par l’investissement du corps en tant qu’objet de science. À partir du milieu du xvie siècle, depuis la parution de l’œuvre de Vésale, De humani corporis fabrica (1543), on peut parler de l’époque anatomique de la science de l’homme. Tout au long de ce siècle, les médecins-chirurgiens ont revendiqué la priorité de l’étude du corps humain, longtemps négligée ou réalisée par les barbiers. Dans ce cadre, s’affirme la division de l’anthropologie – définie par Otto Casmann (1562-1607) comme la doctrine de la nature humaine – en deux branches, une science du corps et une science de l’âme.
La première occurrence en langue française du terme d’« anthropologie » appartient au poète Jean Bouchet. Mais si l’on envisage les traités médico-philosophiques, l’une des premières occurrences du terme est attestée dans la traduction de l’Anthropographia de Jean Riolan le fils (1577-1657), médecin de Marie de Médicis, publiée en 1629. Il s’agit d’un traité médical qui fait valoir le lien entre l’âme et la vie et évoque à cet égard une ancienne tradition philosophique (le platonisme, Augustin et Campanella, etc.).
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