L'histoire de la loi de Moore

auteur

Christophe Lécuyer

date de sortie

01/11/2011

discipline

Histoire moderne

Dans un article publié en 1965, Gordon Moore, spécialiste de la microélectronique et entrepreneur de la Silicon Vallée, observa que le nombre de composants par circuit intégré avait doublé tous les ans depuis le début des années 1960. Dans cet article, Moore prédit aussi que le nombre de composants par circuit intégré ou puce électronique allait augmenter au même rythme pendant les dix prochaines années et atteindrait 65,000 transistors en 1975.

 

Cette croissance extrêmement rapide de la complexité des circuits intégrés, souvent appelée loi de Moore, s’est poursuivie jusqu’à nos jours. Alors que les premières puces électroniques avaient quelques transistors, elles en ont maintenant plusieurs milliards. La croissance exponentielle de la complexité et de la puissance de calcul des circuits intégrés est un phénomène unique dans l’histoire des techniques. Aucune autre technologie n’a connu des changements semblables sur plus d’un demi-siècle.

 

C’est aussi un phénomène fondamental des sociétés contemporaines. La multiplication extrêmement rapide du nombre de transistors par circuit intégré a été un puissant moteur d’innovation dans les secteurs en aval de la microélectronique tels que l’informatique, les télécommunications, l’électronique grand public, l’aéronautique, et l’automobile. Elle a aussi permis la création du monde numérique et l’émergence de la société de l’information.

 

Mon projet au Collegium de Lyon est de travailler sur l’histoire de la loi de Moore et de m’intéresser aux nombreuses dimensions de cette loi. La loi de Moore est une trajectoire technique : la miniaturisation et la complexification des puces électroniques. Mais c’est aussi une série d’énoncés et des débats continuels sur ces énoncés depuis le début des années 1970 (ces débats portant pour la plupart sur les possibilités de perpétuation de cette évolution technique). Depuis le milieu des années 1990, la loi de Moore est aussi devenue le symbole des changements techniques, sociaux, et économiques associés à l’essor de l’Internet.

 

Comment peut-on comprendre cette croissance exponentielle de la complexité des circuits intégrés depuis plus de cinquante ans ? Comment la communauté des ingénieurs de la microélectronique et l’industrie des semiconducteurs se sont-elles focalisées sur cette trajectoire technique ? Comment en dépit de débats constants un consensus sur la perpétuation de la loi de Moore est-il né et comment a-t-il perduré ? Quelles sont les dynamiques sociales et économiques à l’œuvre dans cette évolution ? Quelles innovations dans les matériaux, les techniques de fabrication, et la conception de circuits par ordinateur ont rendu possible la croissance exponentielle du nombre de composants des puces électroniques ? Comment la loi de Moore est-elle devenue un des symboles de la société de l’information ?

 

Ce projet sur la loi de Moore s’inscrit dans un programme de recherche de longue haleine sur la gouvernance, les espaces, les dynamiques, et les contextes institutionnels et politiques de l’innovation dans les sciences et les techniques.

 

Dans mes travaux antérieurs, je me suis intéressé aux relations université-industrie aux États-Unis et tout particulièrement aux cas de Stanford et du MIT. J’ai montré que les flux d’idées, de techniques et d’hommes entre ces universités et les entreprises industrielles ont été essentielles au développement de nouvelles technologies telles que les accélérateurs de particule à usage médical et à la constitution de nouvelles disciplines scientifiques comme la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire.

 

J’ai aussi écrit un ouvrage sur la formation de la Silicon Vallée, ce grand pôle d’innovation spécialisé dans les techniques de l’information et les biotechnologies. Plus proche de mon projet sur la loi de Moore est un ouvrage écrit en collaboration avec David C. Brock sur la création de deux innovations révolutionnaires, le procédé planaire et le circuit intégré, à Fairchild Semiconductor à la fin des années 1950 et au début des années 1960.

 

Mon projet sur la loi de Moore suit le déploiement et la complexification de ces technologies pendant les cinquante dernières années et s’intéresse à la constitution du monde socio-technique numérisé dans lequel nous vivons actuellement.

Formé à l’École normale supérieure de Paris et à l’université de Stanford, Christophe Lécuyer est un historien des sciences et des techniques. Il s’intéresse tout particulièrement à l’innovation et à l’histoire des hautes technologies. Il a publié les ouvrages suivants : Making Silicon Valley: Innovation and the Growth of High Tech, 1930-1970 (MIT Press, 2006) et Makers of the Microchip: A Documentary History of Fairchild Semiconductor (MIT Press, 2010).

newsletter

événements

fellows

Histoire des sciences et des technologies
15/09/2011 - 15/07/2012

institut

01/09/2006
01/12/2006