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État des lieux et projet de recherche
Alors que la sociologie a pendant longtemps négligé le sujet de la violence, celui-ci suscite depuis quelques années une attention d’ampleur étonnante (Collins 2008, Wieviorka 2009, Bufacchi 2011, Kilby/Ray 2014)1. Il faut comprendre cette tendance récente dans la recherche non seulement comme une réaction à l’intérêt jusque-là sous-développé de la sociologie pour la violence, mais également en considérant le contexte d’une urgence empirique : la violence s’avère être un compagnon persistant de notre présent. Les disciplines voisines de la sociologie, telles l’anthropologie (Aijmer/Abbink 2000), les cultural studies (Theweleit 2015), l’histoire et les sciences politiques s’occupent elles aussi de plus en plus de ce sujet désormais très discuté au sein de la communauté scientifique internationale (Mackert/Hartmann 2015). Cette tendance se manifeste même dans des disciplines plus éloignées comme la psychologie évolutionniste (Pinker 2011), la biologie (Gottschalk/Ellis 2009) ou encore les neurosciences (Kret/de Gelder 2013).
En ce qui concerne la sociologie, nous pouvons identifier, dans un premier temps, deux objectifs centraux de la discussion internationale autour de la violence qui nous intéressent plus particulièrement pour le présent projet de recherche. D’une part, il s’agit de dépasser la perception de la violence comme sujet d’étude secondaire – que l’on s’intéresse à l’État, au gouvernement, au pouvoir, à un conflit ou à l’intégration sociale – et d’en faire un phénomène à part entière de la recherche sociologique (Kilby 2013, Walby 2013). C’est dans ce contexte qu’il faut classer tous les vastes débats qui créent une fois de plus des désaccords autour de la question de savoir si la sociologie devrait définir la notion de la violence au sens large ou au sens restreint, afin de pouvoir la délimiter plus facilement par rapport à d’autres domaines (Schinkel 2010, Walby et al. 2014). D’autre part, il s’agit de combattre systématiquement la fragmentation progressive des recherches sur la violence en plusieurs sociologies spécialisées (par exemple celle de la déviance ou du genre) ainsi qu’en sous-disciplines (Reemtsma 2008, Ray 2011). Il y a en effet une série de travaux récents qui traitent de formes spécifiques de violence, comme la violence sexualisée (Brown/Walklate 2012), les pratiques de guérilla et les escadrons de la mort (Sluka 2000), la violence ethnique et les génocides (Shaw 2007), la torture (Carlson/Weber 2012), le terrorisme (della Porta 2013), les violences de gangs et de jeunes (Hagedorn 2007) etc. Nous ne voulons aucunement mettre en question l’importance de ces travaux pour les recherches sur la violence dans leur ensemble. Toutefois, l’urgence d’un programme de recherche fondé sur la théorie sociale qui serait en mesure de définir la violence comme sujet dans une perspective globale d’une recherche soucieuse de l’élaboration d’une théorie générale émerge régulièrement dans la discussion scientifique (Ray 2011).
Eddie Hartmann est sociologue, professeur adjoint à l’université de Potsdam (Allemagne). Ses recherches portent sur l’interface entre recherche sur la violence et théorie de l’action sociale. Sa thèse consacrée à une analyse sociologique des émeutes de 2005 dans les banlieues françaises, a été distinguée par l’Association allemande de sociologie (DGS). Détenteur d’une bourse européenne Marie-Sklodowska Curie, il travaille actuellement sur les fondements individuels des actions collectives violentes.