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La compositionnalité sémantique pose que le sens d’une expression linguistique complexe est déterminé par le sens de ses parties et par la manière dont elles sont combinées. Cette notion n’a été rendue pleinement précise qu’au cours des 120 dernières années, mais les préconcepts remontent au moins à l’ère médiévale, notamment en France avec Abelard puis Buridan. Mon travail sur la compositionnalité a essentiellement concerné les restrictions et les extensions. Dans « Communication et forte compositionnalité » (2003), j'explore le besoin de compositionnalité inverse. Sommairement, c’est l’idée selon laquelle l’expression d’un contenu complexe est une fonction des parties de ce contenu et de la manière dont ils sont assemblés. Ceci est nécessaire pour expliquer que le locuteur dispose d’une méthode efficace pour trouver la phrase appropriée à l’expression de sa pensée. La phrase est adéquate si l’interlocuteur est en mesure de reconstruire la pensée sur la base de la phrase. Il s’avère que cette caractéristique est liée à une propriété de substitution inversée intéressante, qui semble s’appliquer aux langues naturelles : si l’on remplace certaine parties d’une expression complexe par des segments ayant un sens différent, le sens de la nouvelle expression diffèrera de l’originale.
Dans « Compositionnalité et contexte » (2005), je produis un cadre formel permettant d’étendre la sémantique de façon à ce que l’on n’attribue pas uniquement le sens à l’expression linguistique, mais à l’expression en relation à son contexte. Il s’est avéré qu’avec cette extension, il faille faire de nouvelles distinctions importantes, qui ont été négligées par d’autres auteurs. Dans « Contenu, contexte et communication », écrit en collaboration avec Jeff Pelletier de l’université Simon Fraser (Canada), j’ai conçu une interface systématique entre la sémantique et la pragmatique, qui résout la tension – restant à ce jour valable pour beaucoup de gens – entre les effets pragmatiques et la sémantique compositionnelle. Récemment, mes recherches dans ce domaine ont porté sur la complexité computationnelle de l’interprétation sémantique. Je justifie, notamment techniquement, la nécessité d’avoir recours à la compositionnalité pour minimiser la difficulté du processus sémantique.
Mon travail sur l’affirmation, a été partiellement critique, constructif et pédagogique (cf. l’entrée « affirmation » de l’encyclopédie de Stanford). Dans l’article « L’Affirmation est-elle locale ? » publié en 2004, j’avance que toute définition théorique de l’affirmation s’appuyant sur les effets sociaux des phrases affirmatives est vouée à l’échec dès lors qu’il faudrait classifier certaines phrases issues de la formulation même de la théorie parmi les affirmations, alors que l’on sait, par une intuition limpide, qu’elles n’en sont pas. Cet article n’étudie pas l’affirmation de manière construite ; mais un article qui paraîtra en 2010 apporte un nouvel éclairage entièrement différent de ceux présentés jusqu’à ce jour, et centré sur l’idée qu’un énoncé transmet de l’information. Brièvement : un énoncé linguistique est une affirmation s’il est de prime abord vraisemblable qu’il soit employé au moins en partie parce qu’il est vrai. Concernant la logique et la théorie du sens, mon travail a essentiellement abordé le débat entre les partisans de la logique classique et ceux de la logique intuitionniste, débat dans lequel il a été fait référence à la théorie du sens en faveur de cette dernière. Dans plusieurs articles, je me suis élevé contre l’idée selon laquelle la théorie du sens ne pourrait résoudre le problème. L’article paru dans la revue Minden 2009 combine ce thème avec celui de la compositionnalité.
Mes travaux sur la synonymie, l’analycité et l’indétermination ont principalement porté sur les idées de Willard Van Orman Quine. Mon article le plus récent sur le sujet (« L’Indétermination et les distinctions analytique/synthétique : une étude », 2008) avance que, contrairement à une croyance répandue, la thèse de Quine concernant l’indétermination des traductions est indépendante de la critique qu’il fait de la distinction entre analytique et synthétique. Sur la question des contextes intensionnels, Kathrin Glüer et moi-même avons développé dans différents articles une sorte de switcher semantics, qui serait capable de donner l’interprétation sémantique intuitivement correcte d’expressions référentes dans des contextes qualifiés de modaux (« il est nécessaire que… », « il est possible que… ») à la fois pour les noms propres (cf. « Noms propres et modalité relationnelle », 2006) et pour les termes généraux (« Information et force assertorique » à paraître, 2010a). Nous avons appliqué, Dag Westerståhl et moi-même, la même technique à la sémantique de citation (« Citation pure, compositionnalité et sémantique du contexte linguistique », 2010b). La switcher semanticsrépond à la généralisation du principe de compositionnalité, et « Citation pure, compositionnalité et sémantique du contexte linguistique » applique concrètement cette théorie abstraite de généralisation. J’ai plus récemment commencé à publier des travaux sur le thème de l’approximation et j’ai l’intention de poursuivre mes travaux en ce sens au cours des prochaines années. J’ai étudié l’usage ordinaire d’expressions approximatives qui évite ce que l’on appelle le paradoxe sorite (ou paradoxe du tas) mais ne résout pas le paradoxe à proprement parler. Le premier travail que j’ai publié sur le thème de l’approximation est « Approximation et principales lacunes » (2010c).
Références
Glüer, Kathrin & Pagin, Peter(2006). ‘Proper names and relational modality’. Dans : Linguistics & Philosophy, pp. 507–35.
— (à paraître). ‘General Terms and Relational Modality’. Dans : Nous.
Pagin, Peter(2003). ‘Communication and strong compositionality’. Dans : Journal of Philosophical Logic 32, pp. 287–322.
— (2004). ‘Is Assertion Social ?’ Dans : Journal of Pragmatics 36, pp. 833–59. Réimpression en cours : Asa Kasher (ed.) Pragmatics : Critical Concepts II, Routledge, 2010.
— (2005). ‘Compositionality and context’. Dans : Contextualism in Philosophy. Ed. by Gerhard Preyer & Georg Peter. Oxford University Press, pp. 303–48.
— (2008). ‘Indeterminacy & the Analytic/synthetic distinctions : A Survey’. Dans : Synthèse 164, pp. 1–18.
— (2009). ‘Compositionality, Understanding, and Proofs’. Dans : Mind 118, pp. 713–37.
— (2010c). ‘Vagueness and Central Gaps’. Dans : Cuts and Clouds. Ed. by Richard Dietz & Sebastiano Moruzzi. Oxford University Press, pp. 254–72.
— (à paraître, 2010a). ‘Information and Assertoric Force’. Dans : Assertion. Ed. by Jessica Brown & Herman Cappelen. Oxford University Press.
Pagin, Peter & Pelletier, Francis Jeffry (2007). ‘Content, context and communication’. Dans : Context-sensitivity and Semantic Minimalism. New Essays on Semantics and Pragmatics. Ed. by Gerhard Preyer & Georg Peter. Oxford University Press, pp. 25–62.
Pagin, Peter & Westerståhl, Dag (2010b). ‘Compositionality I : Definitions and Variants’. Dans : Philosophy Compass 5, pp. 250–64 ; ‘Compositionality II : Arguments and Problems’. Dans : Philosophy Compass 5, pp. 265–82.
— (submitted). ‘Pure Quotation, Compositionality, and the Semantics of Linguistic Context’. 2010.
Formé à l’université de Stockholm, Peter Pagin y est professeur de philosophie, spécialisé dans la question du langage. Il a été en résidence à l'IEA-Paris de janvier à mai 2010.