Célébration des 10 ans de la fondation RFIEA

date

Mercredi 31 Octobre 2018, 16h30
Célébration des 10 ans de la fondation RFIEA

Le 31 octobre 2018, la fondation RFIEA célébrait ses 10 années d'existence passées au service de l'attractivité de la recherche française. La ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est revenue sur cette décennie qui permet au RFIEA de tracer de nouvelles voies pour l'internationalisation de la recherche en SHS.

 

Discours de Mme Frédérique Vidal (seul le prononcé fait foi) :

 

" Monsieur le secrétaire perpétuel de l’académie royale de Belgique, Cher Professeur Viviers
Madame le professeur, Chère Helga Nowotny
Monsieur le recteur de l’agence universitaire de la francophonie Monsieur le vice-chancelier des Universités de Paris
Madame la Maire – adjointe de Paris
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs
Monsieur le directeur du Réseau français des Instituts d’études avancées, Mesdames, Messieurs,

 

Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui pour fêter les 10 ans de la Fondation Réseau français des Instituts d’études avancées.

 

Henri Lefebvre disait que « le monde est l’avenir de l’homme » : les défis globaux d’aujourd’hui semblent donner raison à ce pronostic d’hier et pressent les sciences humaines et sociales de faire plus que jamais le pari de l’étranger, le pari de l’Europe et de l’international.  Repenser leur rapport au monde, le regarder comme un terrain d’investigations mais aussi de collaborations et d’expression, c’est désormais pour ces disciplines la condition de leur excellence et de leur influence.

 

Produire, financer, diffuser : la véritable mesure de la recherche en SHS est aujourd’hui européenne et mondiale. Les sciences humaines et sociales françaises ne peuvent prétendre rayonner sans s’extérioriser, elles le savent et la fondation RFIEA s’est imposée en seulement 10 ans comme un acteur majeur de leur ouverture au monde.

 

Que de chemin parcouru durant cette décennie ! Il est presque difficile d’imaginer aujourd’hui, alors que la Fondation interagit avec le CNRS, la CPU, l’Alliance Athena, l’AUF, Campus France, l’ANR et bien d’autres, que son rôle se limitait au départ à la coordination des IEA. La Fondation a non seulement développé l’attractivité des IEA, mais elle a peu à peu élargi son champ d’action à l’internationalisation des SHS françaises dans leur ensemble. Attractivité et mobilité sont les deux faces d’une même pièce et la Fondation a rapidement pris sa place dans cette dynamique d’échange qui fait le rayonnement d’une nation.

 

Je sais combien le dialogue étroit avec la DGRI a compté et continue de compter dans cette métamorphose et je tiens à remercier Olivier Bouin pour la qualité des relations qu’il a nouées avec le ministère, faites de confiance, de respect et d’exigence mutuels. Je sais aussi que si le RFIEA a pu grandir aussi bien, aussi vite, c’est avec l’appui d’esprits brillants et bienveillants comme ceux de Jacques Commaille, Alain Peyraube, Helga Nowotny, Dominique Maraninchi, Yves Saint-Geours, John Bowen et Mamadou Diouf, et je les en remercie chaleureusement.

 

La France est aujourd’hui forte d’un réseau unique en Europe de 4 IEA qui se distinguent par leur excellence et leur complémentarité. Ils forment la tête de pont de l’attractivité française en SHS. Un chercheur étranger pourra choisir l’Iméra pour ses atouts méditerranéens, le collegium de Lyon pour son approche de la biosanté et des urbanités, l’IEA de Paris pour son programme « Cerveau, culture et société »,  l’IEA de Nantes pour son ouverture vers les « Suds », et chacun des 4 pour une même priorité donnée à l’excellence et à l’audace scientifique, un même pari sur la fécondité de la diversité, des disciplines comme des cultures.

 

C’est parce que je crois profondément dans la capacité d’impulsion des IEA que j’ai souhaité renforcer leurs moyens en leur octroyant 600 000euros supplémentaires en 2018 : grâce à cette enveloppe, l’IEA de Paris va financer un colloque sur la mémoire et le sommeil porté par Itzhak Fried et Alain Berthoz, et l’Iméra va lancer avec l’EHESS une chaire dont le premier titulaire, Ben Kiernan, est l’un des grands spécialistes mondiaux des génocides. Comprendre les ressorts de la violence de masse ou ceux de la mémoire, c’est se donner les moyens de développer au mieux le potentiel de l’homme. Je crois que tous nos concitoyens conviendront que c’est une dépense publique qui fait sens. C’est pourquoi, en 2019, nous poursuivrons cet effort.

 

L’aura scientifique qui attire dans nos IEA des prix Nobel comme John O’Keefe et des chercheurs de premier plan comme Andy Dobson ou Carla Makhlouf Obermeyer, doit beaucoup à l’action infatigable de l’IMérA, d’AMU, et à l’excellente relation entretenue avec la Fondation RFIEA. Le labex RFIEA +, obtenu en 2012 et coordonné par la Fondation, a donné un coup d’accélérateur à la politique d’invitation des instituts, passée de 420 mois-chercheurs en 2011 à plus de 680 mois-chercheurs en 2016. Les 350 résidences cofinancées par le Labex ont abouti à plus de 900 publications internationales, 600 évènements scientifiques, 100 projets de recherche en partenariat avec des équipes françaises, 20 recrutements dans des établissements et organismes français et 10 financements européens ou internationaux.

 

Nous touchons là la préoccupation majeure de la Fondation : prolonger, amplifier, donner de l’écho à ces résidences scientifiques, les faire résonner dans le temps et dans l’espace, en touchant les publics les plus larges, en faisant de ces séjours les points de départ de collaborations inscrites dans la durée. Elle s’emploie donc à démultiplier l’impact scientifique et sociétal de ces invitations, en favorisant les interactions entre les résidents et les doctorants français, en accompagnant les chercheurs étrangers à fort potentiel dans la recherche de financements français, européens et internationaux afin qu’ils puissent mener leur projet en France, avec des organismes et des coéquipiers français. Elle considère ces chercheurs non comme les hôtes d’un semestre mais comme les mailles d’un réseau à cultiver sur le long terme. A cet égard, je tiens à saluer le remarquable travail réalisé par la Fondation pour suivre les 750 résidents qui ont été accueillis dans l’un des 4 IEA. Ce tissu relationnel est en effet le terreau de nos collaborations européennes et internationales à venir : Il constituera sans aucun doute une force d’appoint considérable  pour formuler des réponses collectives aux grands défis sociétaux du futur, avec un regard complétant la perspective nationale.

 

C’est cette vision large et ambitieuse du potentiel des IEA qui a conduit la fondation à s’investir dans l’internationalisation des SHS françaises.

 

Le premier atout de la Fondation, c’est le vivier de partenaires européens et internationaux qu’elle peut offrir à la communauté française des SHS : au-delà du répertoire des résidents des IEA, la Fondation est engagée dans les réseaux d’IEA européens et internationaux et le développement d’IEA à l’étranger. Je pense notamment à la création récente du Madrid Institute for Advanced Studies, qui doit beaucoup à l’engagement conjoint de la fondation, de la Casa Velasquez, dont je salue le directeur Michel Bertrand, et de l’ambassadeur de France à Madrid, Yves Saint-Geours, allié indéfectible du rayonnement de la science française par-delà nos frontières.

 

Son deuxième atout, ce sont les outils qu’elle met à la disposition des chercheurs pour les encourager à la mobilité internationale. La plateforme FUNDIT, qui rassemble sur un même site tous les appels à candidature et à tous les appels à projets en SHS, en France ou à l’étranger, est une belle réalisation à mettre à l’actif de la Fondation. Elle est suffisamment mûre pour accueillir désormais d’autres disciplines, preuve que les SHS peuvent aussi être à l’initiative de bonnes pratiques pour l’ensemble de la communauté scientifique, comme le dispositif RIBAC en avait déjà donné la preuve.

 

Enfin, et c’est l’un des points sur lequel je voudrais insister, la Fondation s’investit de plus en plus dans l’accompagnement des chercheurs qui souhaitent monter des projets européens et internationaux. C’est elle qui depuis 2017 assure la coordination du Point de contact national pour les SHS dans les défis sociétaux d’Horizon 2020. Il y a peu encore, l’engagement de la France dans les appels européens et internationaux n’était pas à la hauteur de son excellence scientifique, en terme de résultats mais aussi en terme de réponses. La liste des lauréats des bourses ERC Synergy Grant 2018, publiée mardi dernier, démontre que la France est en train de redresser la barre et que les SHS participent pleinement de ce sursaut : les 14 équipes lauréates françaises se répartissent au sein de 7 projets, dont 2 en SHS. Ces résultats positionnent sur cet appel, les SHS françaises au 1er rang européen, à égalité avec le Royaume-Uni et l’Italie. Je me réjouis profondément de voir se dessiner cette nouvelle tendance mais il faut désormais la confirmer et l’amplifier. L’excellence française en SHS doit être motrice en Europe et dans le monde : elle peut, elle doit, largement, renforcer la représentation de ces disciplines parmi les lauréats ERC et leur poids dans les priorités scientifiques des grands programmes internationaux et européens, notamment le FP9, pour qu’en définitive elles tiennent  la place qui doit être la leur dans la marche de la connaissance et du monde.

 

La Fondation est un allié précieux dans la poursuite de cette ambition. C’est pourquoi j‘ai décidé, dans le cadre de la reconduction en 2019 de la dotation dédiée de 5 millions d’euros à destination des SHS, d’en consacrer une partie à la mise en place d’un dispositif national d’accompagnement aux candidatures SHS aux appels ERC, qui s’adressera à l’ensemble de la communauté et sera piloté par le CNRS et le RFIEA. C’est un volet important du soutien que je souhaite apporter à l’internationalisation des SHS françaises. Ce que je vise, c’est à accroître la présence des SHS françaises dans le monde à tous les niveaux, en étayant le discours qu’elles tiennent sur le monde, dans le monde, avec le monde.

 

Si j’ai souhaité que ce nouveau plan mette autant l’accent sur l’ouverture des SHS à l’international, c’est d’une part que je suis convaincue que c’est pour elles une nécessité à la fois scientifique et sociétale et d’autre  part que bien des questions deviennent essentiellement mondiales (climat, énergie, santé et vieillissement, digitalization, …).

 

La diversité des points de vue est, pour toutes les disciplines, un moteur puissant de l’innovation et de l’excellence scientifique, un rempart contre l’enfermement et l’assèchement, mais pour les SHS la confrontation au regard de l’autre est presque un principe épistémologique. C’est un moyen de conforter la quête d’objectivité de disciplines qui ne peuvent établir de distance infranchissable entre observateur et observé. « Les yeux de l’étranger voient plus clair » disait l’écrivain anglais Charles Reade.

 

D’autre part, les SHS décryptent les représentations et les significations qui forment ce que l’on appelle « l’armature dogmatique des sociétés », un axe auquel s’intéresse particulièrement l’IEA de Nantes.  Le sens que les sociétés se prêtent à elles-mêmes et donnent à la vie humaine est à l’œuvre dans leurs lois, leur religion, leur langue, leur art : il n’est pas fondé en raison, il n’est pas démontrable, il est posé, il est puissant car c’est lui qui tient ensemble la société. Heurter ce sens c’est la faire trembler. C’est pourquoi il est essentiel de le connaître, sous peine de voir les grandes initiatives internationales se briser sur des obstacles aussi imprévus qu’inébranlables. Nous savons combien le succès de nos politiques mondiales en matière de santé par exemple est tributaire de ce savoir sur les ressorts intimes des sociétés, faits de croyances, de récits, de mythes fondateurs et de valeurs. Nous savons bien qu’il ne suffit pas de mobiliser les sciences médicales pour vaincre une pandémie et que l’éclairage des sciences humaines et sociales est essentiel pour comprendre comment une politique publique sera adoptée par un groupe humain. Et il en est de même pour tous les autres grands défis auxquels la planète est confrontée, qu’il s’agisse du réchauffement climatique ou des migrations.

 

Ces questions ignorent les frontières entre les pays et n’impliquent pas seulement de considérer les autres régions du monde comme des objets d’étude mais aussi comme des partenaires. C’est à ce renversement de perspective, à ce nouveau dialogue Nord-Sud, que doivent participer les SHS françaises, parfois alliées à nos collègues et partenaires allemands, comme dans le cas des initiatives Merian.  Et quand je vois la France s’impliquer dans des projets d’IEA au Maroc ou au Ghana, quand je vois se multiplier les invitations de chercheurs sénégalais, pakistanais, chinois, mexicains, brésiliens, je me dis que c’est bien sur ce chemin que s’engagent les SHS françaises grâce au soutien du RFIEA et je m’en réjouis car c’est un chemin d’avenir.

 

Le Campus Condorcet a vocation à offrir un point d’appui supplémentaire à ces relations intellectuelles plus équilibrées avec les pays émergents. Il y parviendra d’autant plus facilement qu’il interagira de manière étroite avec les IEA présents dans le territoire et au-delà, et je sais qu’il pourra compter sur la Fondation pour faciliter ces échanges.

 

Les SHS françaises sont en pleine métamorphose : l’internationalisation est l’une des facettes les plus importantes de cette transformation globale, mais ce n’est pas la seule et la Fondation est là aussi pour accompagner ces disciplines sur les autres fronts, que ce soit celui du dialogue avec les sciences exactes, du tournant empirique alimenté par le Big Data, ou du transfert de connaissances vers la société. L’interdisciplinarité est une marque commune aux 4 IEA : il en résulte non seulement plus d’unité entre les champs du savoir mais de vraies avancées, avec, en perspective, de vraies solutions. Ainsi, quand les neurosciences et les SHS se rencontrent autour du cerveau comme à l’IEA de Paris, quand la connaissance des mécanismes de l’inhibition de l’empathie interagit avec l’histoire des religions, alors il devient possible de sortir de la sidération dans laquelle le phénomène de radicalisation est susceptible de nous plonger. A condition que ces nouveaux savoirs portent jusqu’à la société.  Or la Fondation s’inscrit résolument dans ce mouvement de dissémination de la science vers les décideurs, les entrepreneurs, et les citoyens. J’en veux pour preuve sa lettre bimensuelle, Fellows, qui bénéficie depuis septembre 2017 d’un partenariat avec The Conversation, afin de toucher un public toujours plus large.

 

Les sciences humaines et sociales françaises changent, tout en restant en prise avec la tradition d’excellence qui a fait leur fécondité scientifique dans les années 1970. Elles inventent aujourd’hui une autre façon de rayonner, dans un nouveau rapport au monde, à la société, au savoir, et je tiens à remercier chaleureusement la Fondation de les accompagner dans l’exploration de ces nouvelles frontières.

 

Je vous remercie."