Démocratie, économie de marché, société civile - telle est la triple essence de la transition postcommuniste. R. Darhendorf en établit le calendrier : six mois pour les institutions démocratiques, six ans pour le passage à l’économie de marché, six décennies pour la construction d’une société civile forte, indépendante et vitale. Toutes ces priorités présentent la transition dans la perspective de l’Etat. La perspective des citoyens se résume en trois mots : migration, migration, migration. Nombreux individus postcommunistes (de chaque dixième à chaque troisième selon les pays) ont choisi de dénouer leurs projets de ceux de leurs Etats ; le vote par les pieds a précédé et l’emporte toujours sur celui aux urnes ; les réseaux se sont avérés plus efficaces que les institutions ; les temporalités individuelles se sont éloignées de la temporalité étatique. La migration a été une des libertés consommée avec le plus de plaisir et d’avidité. Elle permet aussi de mieux comprendre un phénomène sociologique majeur : l’émergence de la figure de l’individualiste postcommuniste qui n’est plus modelé et guidé par la collectivité et les instances socialisatrices, mais dont le centre est en lui-même, qui revendique son rôle d’acteur et s’inspire beaucoup moins du bien public et des grands enjeux sociétaux que de son propre projet, de son désir d’accomplissement de soi, de sa détermination de vivre dans sa propre temporalité sans payer le prix de la lenteur des réformes.
L’objectif du projet est d’analyser les migrations postcommunistes dans la triple perspective des politiques nationales et européennes, des projets migratoires des citoyens postcommunistes et des immigrés qui reterritorialisent la région désinvestie par ses propres citoyens.