Ibrahima Thioub
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Identités chromatiques en Afrique: histoires, héritages et actualité
Ce projet vise à écrire l’histoire de la réappropriation de l’identité chromatique - et de sa mobilisation dans des jeux de pouvoir contemporains - par l’intelligentsia africaine qui en a inversé la perspective et les conclusions, alors qu’elle avait servi à légitimer les pires violences et dominations de leurs sociétés. Pour ce faire, Ibrahima Thioub étudie la généalogie intellectuelle des principaux courants constitutifs de ce large mouvement pour rendre compte de leur impact sur les savoirs produits en Afrique, en particulier sur l’écriture de l’histoire du continent. Il s’agit d’examiner la façon dont les catégories associées à des différences somatiques, phénotypiques, souvent perçues et qualifiées comme «raciales», ont affecté les constructions mémorielles en Afrique et l’écriture des sociétés africaines dans les sciences sociales. Procédant à une lecture critique des textes les plus significatifs du panafricanisme - Garvey, Firmin, Dubois - et de la Négritude pour comprendre leurs influences intellectuelles sur les œuvres des théoriciens du mouvement anticolonial en Afrique. Ibrahima Thioub cherche à détecter les similitudes et les divergences dans les modalités de fonctionnement et les diverses déclinaisons du facteur chromatique à l’œuvre dans la construction identitaire de l’Africain chez les uns et les autres. Il s’intéresse également à leurs parcours politiques, académiques, et «physiques» (circulations, lieux d’apprentissages et de sociabilités «intellectuelles», lieux d’expériences personnelles, etc.). Ce travail porte également sur les contextes politiques et académiques d’élaboration des idéologies des indépendances et les héritages formant ces contextes, en faisant attention à la différenciation qui s’opère entre les divers espaces impériaux (francophones, lusophones, belges et anglophones). Enfin, il porte sur les trajectoires de ces théories : impact, réception, réactualisations (quels agents, dans quels contextes et à quelles fins?). La mise en application de ces théories et leurs conséquences sur les savoirs de l’Afrique sur elle-même -en sciences sociales en particulier- seront largement explorées.
biographie
Professeur d’histoire à l’Université Cheikh Anta Diop (Dakar, Sénégal) depuis 1990 et membre associé de l’IEA de Nantes, Ibrahima Thioub est spécialiste de l’esclavage. Il a fondé au sein de l'UCAD le Centre Africain de Recherches sur les Traites et l’Esclavage (CARTE) qu’il dirige actuellement. Ibrahima Thioub a été professeur invité à l’EHESS et dans plusieurs universités aux États-Unis, en Europe, en Asie (Népal, Inde, Sri Lanka) et dans de nombreux pays africains (Gambie, Sierra Leone, Afrique du Sud). En 2008-2009 il a été chercheur-résident au Wissenschaftskolleg de Berlin et, depuis mars 2012, il est titulaire d'un doctorat en histoire de l'Université Paris VII et Docteur honoris causa de l’Université de Nantes. Ibrahima Thioub pose un regard critique sur les lectures africaines de l’esclavage et de la traite atlantique. Outre l’emploi des esclaves dans les activités économiques, il étudie leur rôle dans les relations sociales et leurs expressions juridiques dans les espaces privés et publics. Son étude s’inscrit dans une perspective historique en accordant une importance particulière aux mutations inscrites dans le temps de la ville et de son environnement.