Gilbert Achcar

Gilbert Achcar
pas labex
pas Eurias
pas FIAS

dates de séjour

01/09/2022 - 31/01/2023

discipline

Histoire des idées
Sciences de la religion

Fonction actuelle

Professeur à la School of Oriental and African Studies

Institution actuelle

Université de Londres (Royaume-Uni)

pays d'origine

Liban

lien internet

projet de recherche

Science et religion : modernité d’Ibn Khaldoun

Le projet de recherche de Gilbert Achcar à l’Institut d’études avancées d’Aix-Marseille Université souhaite montrer comment la scientificité d’Ibn Khaldoun dans la réflexion sociale et historique s’est établie par une séparation de fait entre l’ordre du divin et l’histoire réelle. C’est la raison principale de sa  modernité qui précède de près d’un siècle celle de Machiavel.

1.Recherche de la véridicité, et notion de « science » appliquée à l’histoire :

Abdel-Aziz al-Douri (bahth fi nasha’at ilm al-tarikh indal-arab) souligne que dès le début l’histoire est considérée comme ilm (par opposition à ra’y) – le critère de véridicité s’appliquant dans la critique des récits.

 

2. Le pas extrême franchi par Thucydide dans l’exigence de véridicité :

Critique d’Hérodote pour l’ampleur de son ambition historiographique. La seule connaissance certaine est la connaissance directe : guerre du Péloponnèse. Écho direct chez Ibn Khaldoun, avec critique de Masudi (sa cible privilégiée)

3. La relativité contre l’ethnocentrisme

Ibn Khaldoun est resté conscient du fait que son apport historiographique original concerne le Maghreb.

Critique du contresens flagrant consistant à lui attribuer un projet d’« histoire universelle » (devenu même titre de la traduction de la Muqaddima par Vincent Monteil).

Comparaison entre la Muqaddima et Mourouj al-dhahab de Mas’udi. La démarche d’ Ibn Khaldoun est tout autre : les Arabes puis les Berbères sont placés au centre du propos non par ethnocentrisme, mais – tout au contraire – par modestie scientifique et sens de la relativité.

4. Le rapport à la religion (1)

La relativité s’étend à la question de la religion, et c’est là un point nodal de l’entreprise khaldounienne comme l’a bien vu Labica.

Elle s’étend de deux façons : d’abord, le principe de causalité dans l’histoire, le problème de l’intervention divine.

« La causalité dans les activités humaines est présente dans le cadre de la volonté de Dieu » chez les premiers historiens arabes (Douri) car l’influence intellectuelle des mutakillimin et des motazila a survécu un certain temps à leur influence politique. Mais il ne s’agit que de l’influence du libre-arbitre individuel sur le cours des événements. Ibn Khaldoun va nettement au-delà, comme l’a reconnu Gibb lui-même :

« Ibn Khaldoun insiste beaucoup plus que la plupart des écrivains musulmans sur l’action inévitable du rapport de cause à effet en tant que “loi naturelle”. »

5. Le rapport à la religion (2)

Ibn Khaldoun va encore plus loin, en relativisant la religion en général et par conséquent l’islam lui- même, et cela en contestant la nécessité rationnelle de la religion des « prophètes » (c’est-à-dire du

monothéisme) comme le prouve le fait que de grandes civilisations s’en sont passées (Yves Lacoste, comme d’autres, n’a pas manqué de le souligner).

Cette proposition extraordinaire pour son temps est placée au début de la Muqaddima, dans la première introduction de la 1ère partie. Elle est indicatrice du caractère d’ensemble de la démarche khaldounienne.

6. Conditions socio-historiques ayant permis la gestation de la pensée d’Ibn Khaldoun

On pense avec Ibn Khaldoun au fameux commentaire pessimiste de Hegel sur la chouette de Minerve. Mais l’autre grand penseur de la rupture épistémologique réaliste qu’est Machiavel a été l’annonciateur de la renaissance européenne.

Leur véritable point commun est la réunion de conditions ayant permis à chacun d’entre eux de s’affranchir de l’interprétation religieuse de la société humaine. Pour Machiavel, ce fut le spectacle de la dépravation morale de la papauté, décrédibilisant sa prétention religieuse. Pour Ibn Khaldoun, le spectacle de forces islamiques reculant devant les coups de boutoir de forces appartenant à cette chrétienté que l’Islam était censé avoir transcendée.

biographie

Gilbert Achcar est diplômé en Philosophie (ESL, Beyrouth), Sciences Sociales (UL, Beyrouth) et docteur en Histoire Sociale/Relations Internationales (Université Paris-VIII). Avant de rejoindre SOAS en 2007, il a enseigné et/ou fait des recherches dans diverses universités et centres de recherche à Beyrouth, Berlin et Paris. Ses nombreux livres, publiés dans un total de 15 langues, incluent : The Clash of Barbarisms : The Making of the New World Disorder (2002, 2006) ; Perilous Power: The Middle East and U.S. Foreign Policy, co-écrit avec Noam Chomsky (2007, 2008) ; The Arabs and the Holocaust: The Arab-Israeli War of Narratives (2010); Marxism, Orientalism, Cosmopolitanism (2013); The People Want: A Radical Exploration of the Arab Uprising (2013); et Morbid Symptoms: Relapse in the Arab Uprising (2016).

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