Ce projet de recherche questionne un certain nombre de parti-pris, créateurs de malentendus, concernant l’interprétation philosophique du mythe d’Ulysse. Ulysse symbolise en effet deux manières de concevoir le rapport de l’homme à la raison. Selon une première conception, Ulysse est perçu comme un véritable héros, un voyageur et un apprenti philosophe. Il incarne ainsi une facette humaniste de la raison, alors synonyme d’émancipation vis-à-vis d’un contexte mythique. Refusant l’immortalité offerte par Calypso, il fait le choix de s’affranchir de toute dépendance vis-à-vis des dieux. L’Odyssée serait une épopée philosophique narrant les épreuves que ce choix l’oblige à endurer. Selon une seconde conception, Ulysse est le héros négatif d’une raison instrumentale triomphante uniquement motivée par sa survie et donc violente vis-à-vis de son entourage social et symbolique. Ces deux options interprétatives sont sources de malentendus car elles postulent que la signification de la raison est la même que dans l’imaginaire homérique. Rien pourtant dans l’Odyssée ne correspond à ce que Conche, Ferry, mais aussi Adorno et Horkheimer appellent raison. En revanche le texte, et plus largement l’anthropologie homérique, valorise la mètis comme une forme d’intelligence intellectuelle et technique. Loin d’être l’expression d’un processus de sécularisation, l’importance de la mètis et de l’agôn dans l’Odyssée reflète la place occupée par Athéna dans le texte.