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Une journée pour l’eau a été organisée lors de la COP 22 de Marrakech, une première internationale qui redonne à l’eau un sens politique fondamental que les institutions chargées de sa gestion doivent affirmer.
Pour la première fois en plus de 20 ans, une Journée Globale d’Action pour l’Eau a été réalisée dans le cadre de la Conférence des Parties (COP22) le 9 novembre 2016 à Marrakech, au Maroc. Cet événement, salué par les acteurs de l’eau à l’échelle internationale, peut être interprété de différentes manières. D’une part, il recentre clairement le thème du changement climatique autour de l’eau, non seulement en raison des impacts des phénomènes globaux sur l’eau mais aussi en fonction des perspectives de solutions qu’il permet d’envisager, comme les déclarations officielles l’ont signalé. D’autre part, c’est un signe pour les analystes de la politique de l’eau qu’elle est avant tout une donnée et une problématique politique et que, par conséquent, les solutions aux problèmes de l’eau, quels que soient leur échelle, passent par des processus politiques.
La reconnaissance récente de la dimension politique de l’eau anime tout un courant actuel de la littérature internationale en sciences sociales depuis au moins une décennie. Pour comprendre cette réalité, il faut partir d’une prémisse fondamentale : l’eau est un thème profondément politique — dans une triple acception de politics ou lutte pour le pouvoir, policy ou politique et action publiques et de relations de pouvoir et de domination — qui s’exprime non seulement dans les relations entre États mais aussi à diverses échelles, notamment locales, et à travers les interactions entre les différents acteurs individuels et collectifs qui interviennent dans la gestion de l’eau et dans ses usages. Le politique, entendu de manière générale comme les dynamiques de conflit-régulation ou « l’art de la coexistence » (Badie, 2016), possède une gamme étendue d’expressions lorsque l’on analyse la gestion de l’eau et les différentes pratiques socioculturelles associées à la ressource.
Replacer l’eau dans sa dimension politique implique en premier lieu de surmonter la dépolitisation constante que les nombreux acteurs qui participent à sa gestion et aux politiques de l’eau tentent sans cesse de réaliser. Cette dépolitisation s’effectue par une réaffirmation du caractère essentiellement technique de leurs actions, une définition donnée au bassin-versant conçu comme un espace uniquement naturel (Molle et Wester, 2009) et un discours ponctué d’excuses qui suggère que le politique saborde les débats autour de l’eau. Cette excessive dépolitisation continue à être au cœur de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) qui constitue à l’heure actuelle le principe fondamental des politiques de gestion de l’eau dans le monde, et plus particulièrement chez de nombreux acteurs qui réalisent des activités sous son égide. Lors d’une conférence internationale, un directeur général d’une Agence française de l’eau affirmait à propos de son institution qu’elle était une « Agence non politique qui doit proposer des solutions sur un problème politique » (14e Conférence EURO-RIOB, Lourdes, octobre 2016).