Propriété intellectuelle, engagement sensoriel et action collective. Une anthropologie multi-échelles des semences brevetées
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IEA de Nantes, 5 allée Jacques Berque, 44000 Nantes
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Les pratiques et les controverses autour de la propriété intellectuelle sur les semences engagent différents niveaux de gouvernance et s’incarnent dans les pratiques quotidiennes des agriculteurs. Je les ai suivies surtout au Canada, et à l’échelle mondiale au sein de la FAO. Mes enquêtes m’ont amenée des champs jusqu’à la Cour Suprême, des mécanismes de consultation nationaux jusqu’aux arènes internationales.
Dès les années 1990, la plupart des agriculteurs canadiens ont accepté avec enthousiasme le colza breveté dans leurs champs et ont alourdi ainsi volontairement leur situation de dépendance et de subordination par rapport aux multinationales détentrices des brevets. Si nous nous inspirons d’Hannah Arendt, introduire des semences transgéniques brevetés dans un champ serait une rébellion contre l’existence humaine telle qu’elle a été donné — une existence qui est un cadeau gratuit — que l’homme échange ainsi contre quelque-chose dont il se pense le créateur et le propriétaire. Pourquoi le savoir scientifique et le savoir-faire ont-ils évolué dans cette direction est une question politique de premier ordre, un paradoxe qui soulève plusieurs questions. Comment ce nouveau rapport de pouvoir s’est-il insinué dans la vie des agriculteurs dans l’acceptation presque générale? De quelle nature ont été les tentatives individuelles et collectives pour le questionner et pour lui résister ? À partir de l’analyse des mobilisations multiples contre l’appropriation du vivant je chercherai à identifier non seulement le moteur de l’action politique individuelle mais aussi analyser comment des acteurs collectifs émergent qui réussissent à entrouvrir le cadre restrictif des organisations par la ruse et la menace et à créer leur espace et discours propre en lien avec le vécu concret.
Birgit Müller (PhD Cambridge 1986),directrice de recherche au LAIOS, CNRS / EHESS à Paris, explore la gouvernance mondiale de l’alimentation et l’agriculture à la FAO et au CSA pour la mettre en rapport avec les pratiques des agriculteurs au Canada et au Nicaragua. Elle examine comment les visions du monde et les rapports de pouvoir se retrouvent dans l’engagement de l’agriculteur avec les semences et les sols.
Parmi ses livres: Disenchantment with Market Economics. East Germans and Western Capitalism (2008), La Bataille des OGM. Combat vital ou d’arrière-garde (2008), The Gloss of Harmony. The politics of policy making in multilateral organisations (2013).