Mémoires contemporaines de la traite et de l’esclavage dans le monde arabe
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IEA de Nantes, 5 allée Jacques Berque, 44000 Nantes
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Salah Trabelsi est Directeur-adjoint du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à la Maison de l’Orient et de la Mediterranée à Lyon. Il est Maître de conférences en histoire médiévale des pays arabes à l’Université Lumière Lyon 2 et Vice-président du Comité scientifique International du Projet de l’UNESCO: la Route de l’Esclave.
Salah Trabelsi sera présent à Nantes à l’occasion d’une réunion de travail sur l’élaboration de trois manuels scolaires sur l’histoire des esclavages et des traites esclavagistes. Ce projet, qui réunit des historiens africains sous la direction d’Ibrahima Thioub, membre associé de l’Institut, a vu le jour grâce au soutien de la Ville de Nantes.
Descriptif de la conférence
À partir de quelques exemples choisis parmi les pays du Maghreb et du Proche-Orient, la conférence de Salah Trabelsi abordera la problématique des héritages des traites et des esclavages dans cette aire culturelle. La description des processus extrêmement longs d’émancipation et d’abolition, engagés depuis plusieurs décennies, servira de trame pour une approche différenciée des réalités inhérentes aux populations issues de l’esclavage.
Un des traits marquants de l’histoire moderne de ces pays est celui d’une extraordinaire persistance des rapports de sujétion. Des formes avérées d’asservissement perdurent encore dans certaines régions, entre mer Rouge et océan Atlantique. Cette histoire particulière explique en partie l’émergence tardive et contrastée de la question de la mémoire chez les descendants d’esclaves.
Par ailleurs, les représentations collectives, adossées à une vision téléologique de l’histoire et un discours culturaliste diffus, ont souvent constitué un écueil majeur pour une approche nuancée. À cela s’ajoutent des héritages anciens et un indiscutable ancrage du monde arabe dans une culture méditerranéenne caractérisée par une grande diversité des visages et des aspects revêtus par l’esclavage. D’autre part, des controverses juridiques et des équivoques sociolinguistiques relatives aux concepts d’émancipation et de liberté masquent la compréhension du phénomène. L’impression générale est celle d’une carence dans la mise en oeuvre d’approches exploratoires contextualisées ; car de manière symptomatique, l’histoire des esclaves fait toujours l’objet de discours défensifs et simplificateurs lorsqu’elle n’est pas simplement éludée ou passée sous silence. L’on a encore beaucoup de mal à concevoir que les sociétés maghrébines et orientales tout comme l’ensemble des pays du bassin méditerranéen ont été modelées par de vastes migrations forcées, des métissages et des apports culturels multiséculaires.
Pourtant et en dehors de quelques rares exceptions, aucune célébration de fête mémorielle ; point d’édifice ou de plaque commémorative qui soit dédiée à la résistance des esclaves ou de personnalités impliquées dans le combat contre la traite et l’esclavage. Cette posture intellectuelle est à l’origine d’une rhétorique polémique et embarrassée ; d’où l’absence indéniable de pédagogie active apte à rendre compte d’une problématique notablement complexe et centrale dans l’histoire des pays arabes.
Qu’en est-il précisément aujourd’hui, trois ans après l’éveil des Printemps arabes ? Comment apprécier la naissance d’une conscience diasporique et les nouvelles formes d’action engagées par des jeunes, descendants d’esclaves pour la plupart d’entre eux. Exaspérés par la permanence d’un racisme diffus et d’inégalités sociales criantes, ces derniers réclament un large débat autour de l’esclavage et de ses effets résiduels.
En quoi ces nouvelles dynamiques témoignent-elles de mobilisations encore discrètes mais annonciatrices de configurations nouvelles sur les plans culturel, politique et social ? Enfin quelles prédictions pourrait-on postuler pour l’avenir des diasporas d’afro-descendants dans cette partie du monde, même si la formule paraît de toute évidence inappropriée, s’agissant de minorités noires immergées dans des pays naturellement africains ?