Henri Njangang

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Les réponses financières aux crises climatiques peuvent-elles affecter les dynamiques sociales ? Analyse de l’effet du financement climatique sensible au genre sur les inégalités de genre en Afrique.
Contexte et motivation
Au cours des deux dernières décennies, le changement climatique et l’inégalité entre les sexes sont apparus comme deux défis majeurs et interdépendants pour le développement inclusif en Afrique. Bien que le continent ne contribue que très peu aux émissions mondiales de gaz à effet de serre (moins de 4 %), il reste affecté de manière disproportionnée par les effets néfastes du changement climatique. La hausse des températures, les phénomènes météorologiques imprévisibles, les sécheresses, les inondations et d’autres événements climatiques extrêmes ont perturbé les moyens de subsistance, accru l’insécurité alimentaire et contribué aux déplacements de population et aux crises sanitaires. Les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables dans ce contexte en raison des inégalités préexistantes fondées sur le genre qui limitent leur accès aux ressources, à l’éducation, aux soins de santé et aux processus de prise de décision.
Le genre et le changement climatique sont souvent considérés comme des domaines politiques distincts. Cependant, de plus en plus d’ouvrages ont commencé à explorer leur intersection, soulignant comment le changement climatique amplifie les disparités existantes entre les hommes et les femmes (Desai & Mandal, 2021 ; Njuki et al., 2023). Les femmes, en particulier dans les zones rurales, sont profondément impliquées dans l’agriculture et la gestion des ressources naturelles. Ces rôles les exposent directement aux effets néfastes du changement climatique, tandis que les inégalités systémiques entravent leur capacité à s’adapter efficacement. Cette asymétrie dans l’exposition et la capacité à répondre aux risques climatiques plaide en faveur d’un financement ciblé du climat qui ne se limite pas aux objectifs environnementaux, mais qui vise également la justice sociale, en particulier l’égalité entre les hommes et les femmes.
Le concept de financement climatique sensible au genre est donc apparu comme une approche essentielle dans les cadres récents de la politique climatique. Son objectif est de veiller à ce que les mécanismes de financement du climat, qu’ils soient destinés à l’atténuation ou à l’adaptation, prennent explicitement en compte la dynamique du genre. Il s’agit notamment de soutenir les projets menés par des femmes, d’améliorer l’accès des femmes aux énergies propres et aux ressources en eau, et de garantir leur représentation dans la gouvernance climatique. Malgré l’attrait conceptuel, il existe encore peu de preuves empiriques sur la mesure dans laquelle le financement climatique sensible au genre contribue à réduire l’inégalité entre les sexes dans la pratique, en particulier dans le contexte africain. Cette recherche vise à combler cette lacune.
Objectifs et contributions de la recherche
L’objectif principal de ce projet est d’évaluer si et comment le financement climatique sensible au genre influence l’inégalité entre les sexes dans les pays africains. Plus précisément, l’étude cherche à répondre aux questions de recherche suivantes :
- Q1. Le financement climatique sensible au genre conduit-il à des améliorations mesurables de l’égalité entre les hommes et les femmes dans des domaines tels que l’emploi, l’éducation et la santé ?
- Q2. Par quels mécanismes ou canaux de transmission cet effet s’opère-t-il ?
- Q3. Les effets sont-ils plus prononcés pour certains types de financement, l’atténuation par rapport à l’adaptation ?
Pour répondre à ces questions, la recherche se concentre sur un panel de 42 pays africains entre 2000 et 2021. Les inégalités de genre sont décomposées en trois dimensions : l’emploi (écart de participation à la population active), l’éducation (scolarisation et réussite scolaire) et la santé (santé maternelle et accès aux soins). Cette approche permet une analyse plus fine, car l’inégalité entre les sexes est un concept multidimensionnel qui ne peut être appréhendé par un seul indice. En outre, l’étude utilise l’indice d’inégalité de genre (IIG) du PNUD ainsi qu’un nouvel indice composite construit à l’aide d’une méthode d’entropie améliorée. Les données sur le financement du climat proviennent de la base de données du CAD de l’OCDE et sont classées en trois catégories : le financement général du climat sensible au genre (GCF), le financement sensible au genre spécifique à l’atténuation (GMF) et le financement sensible au genre spécifique à l’adaptation (GAF). Ils sont exprimés en pourcentage du PIB national pour tenir compte de la taille de l’économie.
Cette étude contribue à quatre domaines critiques de la littérature. Premièrement, elle offre de nouvelles perspectives empiriques sur les impacts socio-économiques du financement climatique, un domaine largement axé sur les résultats environnementaux jusqu’à présent (Lee et al., 2022 ; Njangang et al., 2024). Deuxièmement, il enrichit la littérature croissante sur le genre et le climat en fournissant des preuves quantitatives du contexte africain, qui reste sous-représenté. Troisièmement, en utilisant des méthodes de variables instrumentales, il répond aux problèmes potentiels d’endogénéité et renforce la crédibilité de l’inférence causale. Quatrièmement, il explore les canaux de transmission par lesquels le financement climatique sensible au genre affecte l’inégalité entre les hommes et les femmes, en mettant en lumière les mécanismes, tels que l’amélioration de l’accès aux services de santé, à l’éducation et aux opportunités économiques, qui médiatisent cette relation. Cette profondeur analytique permet de mieux comprendre comment et pourquoi certaines interventions climatiques axées sur le genre réussissent ou échouent.
Stratégie empirique et résultats attendus
Afin d’évaluer rigoureusement l’effet du financement climatique sensible au genre sur l’inégalité entre les sexes, l’étude aborde l’endogénéité potentielle en utilisant une stratégie de variables instrumentales inspirée de la littérature empirique récente. Plusieurs instruments externes sont considérés pour capturer la variation exogène des flux de financement climatique. Il s’agit notamment de (i) la part des votes importants alignés sur les pays donateurs à l’Assemblée générale des Nations Unies, reflétant l’alignement géopolitique et les priorités d’allocation de l’aide ; (ii) un instrument de type « shift-share » (Bartik) basé sur l’exposition historique aux tendances de financement spécifiques aux donateurs ; et (iii) le PIB moyen des pays du G7, utilisé comme indicateur de l’espace budgétaire global et de l’offre de financement climatique de la part des principaux donateurs. Ces instruments visent à isoler la variation du financement climatique sensible au genre qui n’est vraisemblablement pas liée aux résultats en matière de genre propres à chaque pays.
L’analyse porte sur 42 pays africains et tient compte des principales caractéristiques économiques et institutionnelles. Les résultats attendus sont doubles : premièrement, que le financement climatique sensible au genre réduit de manière significative les disparités entre les sexes, en particulier dans l’éducation et la santé ; et deuxièmement, que ces effets sont médiatisés par des canaux institutionnels et politiques tels que la participation politique des femmes et l’accès aux services essentiels. Dans l’ensemble, cette recherche met en évidence le potentiel de transformation du financement climatique sensible au genre dans la promotion non seulement de la résilience environnementale, mais aussi de l’équité sociale à travers l’Afrique.
biographie
Henri Njangang est Senior Lecturer en économie à l’université de Dschang et Associate Lecturer à l’université de Yaoundé II au Cameroun. Titulaire d’un doctorat en économie, ses recherches portent sur l’économie du développement, l’économie de l’énergie et l’économie politique des ressources naturelles. Il a publié de nombreux articles dans des revues de premier plan telles que Energy Economics, Energy Policy, Climate Policy et Environmental and Resource Economics.
Ses recherches récentes se concentrent de plus en plus sur le financement du climat et ses implications multiples dans les pays en développement, en particulier en Afrique. Il examine non seulement les dimensions sociales, mais aussi environnementales et institutionnelles du financement du climat, y compris la manière dont les mécanismes sensibles au genre, la qualité de la gouvernance et l’efficacité de l’aide contribuent à la résilience et à l’équité. Grâce à ce travail, il contribue à un domaine interdisciplinaire en pleine expansion qui relie l’action climatique au développement durable et inclusif.