Maxime Nicolas

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Les flux dans la ville
Les villes sont des lieux de mouvements. L’observation la plus évidente concerne le déplacement de personnes et de véhicules, mais bien d’autres flux sont également en présence : vent, eaux propres et usées, électricité, données numériques, chaleur, mais aussi valeurs économiques, marchandises. La superposition des réseaux urbains, aériens ou souterrains et la multiplicité des objets qui se déplacent rendent l’observation et la représentation complexes, mais aussi d’une grande richesse. Car tous ces flux peuvent se croiser et interagir. De façon évidente, les flux routiers et piétonniers doivent obéir à des règles simples d’évitement, mais certaines interactions sont plus subtiles et méritent une observation fine. Le rôle du flux thermique du soleil en été ou les trajectoires du vent sur les flux piétonniers est plus subtil ; ces flux ressemblent à une force qui pousse les piétons vers certains espaces de confort qui ne font pas toujours partie de la trajectoire qui minimise le temps de parcours. Certains flux de même nature peuvent aussi se croiser et se mélanger pour générer des structures mouvantes, complexes et chaotiques. Ces structures sont des objets d’observation scientifique, mais peuvent être aussi des supports d’une observation sans but, accessibles à des regards non académiques.
Quels regards pour les flux ?
Une partie du projet concerne l’imbrication de différentes méthodologies pour observer, quantifier et conceptualiser la notion de « flux » en milieu urbain. Ces méthodologies, issues de la physique et de la mécanique des fluides en particulier, mais aussi de la géographie, de l’urbanisme, de la sociologie, sont superposées pour tenter de dégager des concepts communs à tout ce qui se transporte, circule, se mélange. En préalable, une zoologie des objets qui se déplacent devra interroger les analogies possibles et raisonnables. Dans cette approche, les modèles classiques de description de mouvement de foule qui font des piétons des analogues des particules dans un milieu granulaire seront étendus, déformés, étirés sans limite préconçue pour aller questionner de façon critique le processus de modélisation.
À l’origine de tout mouvement et écoulement existent des forces, des envies, des besoins, des désirs, qui vont déclencher et entretenir le mouvement. Dans une ville qui comporte quelques attraits touristiques, le déplacement d’un groupe de touristes obéit à des lois simples (au sens de la physique) qui doivent répondre à la nature même de l’état de « touriste ». Ces lois de mouvement sont différentes de celles qui guident les déplacements des travailleurs ou des personnes en situation de précarité parce que les motivations sont différentes, mais aussi parce que le temps disponible pour le mouvement n’est pas le même. Si les forces qui gouvernent les objets physiques (atomes et molécules dans un flux liquides, voitures sur une route) sont bien établies, elles restent à définir précisément pour des « objets » dont les mouvements peuvent contenir une part de décision individuelle. Une telle définition est-elle même possible ?
Au-delà de l’observation, la représentation sémantique, visuelle ou sonore des flux ouvre un spectre large de possibilités créatives.
Quels mots pour les flux ?
Une deuxième partie du projet est centrée sur les mots descripteurs de ces phénomènes de flux, avec une approche sémantique qui viendra faire écho aux concepts dégagés en première intention. On pourra alors faire référence à des termes issus de la géographie, de la psychologie pour faire dialoguer des disciplines a priori éloignées. Un des mots les plus courants en mécanique des fluides est la « pression », sous-catégorie d’une « contrainte » qui exprime une force répartie sur une surface. Une différence de pression est nécessaire pour créer un flux, et cette pression va venir en opposition à des forces de résistance qui empêchent le mouvement de s’accélérer indéfiniment. Transposer ces concepts à un flux de piétons est tentant, mais il faut alors s’interroger sur la notion équivalente qui va d’abord générer la motivation du déplacement et donc le mouvement. Dans les cas du tourisme et du déplacement en masse des individus dans une ville, la pression sociale qui « oblige » les touristes à aller voir les monuments emblématiques d’une ville est une bonne illustration. Cette pression sociale qui a longtemps été véhiculée par les guides touristiques et par le désir de montrer ce que l’on a fait ou vu s’est encore accentuée avec la prégnance des réseaux sociaux et des influenceurs avec une audience qui est devenue quasi-infinie.
Au-delà de l’exemple de la « pression », l’arbre des mots issus du vocabulaire de la physique et de la mécanique des fluides sera dans ce projet utilisé comme base du dialogue entre différentes disciplines, dialogue qui évoluera vers une tentative de représentation du caractère invisible des flux en milieu urbain.
biographie
Maxime Nicolas est docteur en Physique des liquides et actuellement professeur des universités à Aix Marseille Université et est chercheur au laboratoire IUSTI (UMR 7343). Il étudie les écoulements de fluides complexes et des milieux granulaires, et ses travaux de recherche actuels concernent la modélisation des comportements de poudres cohésives à partir d’expériences et de modèles théoriques. Membre du conseil du Hub « Cities, territories and mobility » de l’alliance CIVIS depuis 2021, il interagit avec des géographes pour proposer son regard de physicien sur les déplacements liés au tourisme, avec un accent mis sur les problèmes issus du surtourisme. Il enseigne la mécanique des fluides, la mécanique des vibrations et l’acoustique à Polytech Marseille et à la Faculté des Sciences.